Alors que les entreprises et les particuliers se tournent de plus en plus vers les nouvelles technologies, le service public s’adapte lui aussi. Un objectif est annoncé : atteindre le tout numérique d’ici 2022. Un chantier compliqué, mais nécessaire, que la crise du Covid-19 est venue appuyer. Les instances doivent se moderniser afin de proposer un service de qualité, accessible partout, et ce, à n’importe quel moment.
Cependant, seulement 39% des administrations françaises ont confirmé avoir recours au numérique de manière très importante dans la gestion de leur relation avec les usagers*. De fait, le chantier reste important et cette transformation doit s’accélérer afin que le service public soit en mesure de répondre aux enjeux de demain. Cela concerne tous les types d’usagers mais aussi tous les agents de ses administrations et collectivités.
Des enjeux multiples
Les citoyens sont interconnectés et les administrations doivent s’adapter à cette évolution sociale. Les enjeux sont multiples : faciliter l’accès à l’information, simplifier les démarches administratives, améliorer la productivité des services pour les désengorger… Si les services publics arrivent à faire évoluer leur modèle de fonctionnement, ces derniers vont rapidement gagner en efficacité. Les grands gagnants seront bien évidemment les usagers, mais tout le monde n’est malheureusement pas logé à la même enseigne, c’est la principale limite de cette transformation numérique, et son plus gros défi : pouvoir s’adresser à tout le monde. Certaines populations n’ont pas ou très peu accès aux outils digitaux, ni à la formation pour savoir être autonome avec ces nouveaux processus. c’est cette tranche de la population qu’il faut accompagner et guider du mieux possible, afin de faire en sorte que les démarches à entreprendre soient le plus accessibles et compréhensibles possible, pour tout le monde.
Une première vague de dématérialisation mise en œuvre dans le cadre des réformes de « modernisation » de l’Etat devrait se poursuivre et s’approfondir avec l’adoption de diverses technologies s’appuyant notamment sur l’IA. Dans la suite de cet article, nous allons nous intéresser aux avantages des chatbots et à leurs cas d’usage dans le service public.
Le rôle des chatbots dans la transformation numérique du service public
Désengorger les administrations et faciliter les process internes
Les administrations françaises sont souvent critiquées pour leur lenteur et des horaires de fonctionnement relativement limitées, elles font pourtant face à une demande toujours plus forte. Elles se retrouvent facilement débordées, et un dossier qui ne réclamait que quelques minutes d’attention peut alors prendre des semaines à être géré. C’est là tout l’intérêt du robot conversationnel : un premier point de contact qui permet d’apporter des réponses aux questions simples et récurrentes des usagers, et d’escalader vers un conseiller compétent (livechat ou téléphone) si nécessaire.
« Dans les collectivités locales, entre 40 et 60 % des requêtes des utilisateurs ne nécessitent aucune compétence particulière, comme trouver l’horaire d’ouverture d’une piscine ou l’adresse d’une déchetterie.» estime Yannick Sourisseau, journaliste et rédacteur en chef de Ville Intelligente Mag.
L’automatisation du traitement des demandes simples et récurrentes permet un gain de temps considérable pour les services concernés, leur permettant de se concentrer sur des demandes plus complexes. Le lien entre l’usager et l’administration devient donc plus fluide, le service rendu est de meilleure qualité et l’entité contactée est en mesure d’apporter une réponse claire et efficace dans des délais jugés plus raisonnables.
Lorsqu’il est associé à d’autres bases de données et logiciels internes, le chatbot peut aussi faciliter les démarches des usagers et process internes. On parle de chatbot RPA (Robotic Process Automation), les demandes peuvent être ainsi gérées sans intervention humaine, même si la supervision humaine reste indispensable. Cela peut concerner la souscription, la modification d’information dans un dossier, d’édition de document, des déclarations…un gain de temps considérable à la fois pour l’usager et l’agent.
Proposer un service accessible facilement, en continu
Les chatbots sont accessibles à toute heure de la journée, tous les jours de l’année. Un moyen pour les services publics de fluidifier le rythme des demandes et de désengorger les horaires à fort trafic. Il est disponible tout le temps, mais aussi sur tous les canaux de communication : site web, appli mobile ou un appli de messaging. Le chatbot permet également la transversalité entre départements et administrations puisqu’on a un seul point de contact pour des questions pouvant provenir de départements ou administrations différentes.
En bénéficiant d’une réponse immédiate, homogène et 24/7, l’usager a une meilleure expérience et donc d’une meilleure image du service.
Faciliter les démarches administratives et l’accès à l’information
Le principal rôle des chatbots est de faciliter la recherche d’information. De nombreuses administrations se dotent d’un bot pour faciliter la compréhension des démarches administratives, parfois compliquées et fastidieuses. C’est le cas de Noa (« Nous orienter dans l’Administration »), le chatbot qui répond aux questions des entrepreneurs sur toutes les démarches administratives liées à la création d’entreprise : obligations fiscales et légales, propriété industrielle, dépôt d’une marque, financement, recrutement…
Développé par la préfecture de la région d’Île-de France, le robot conversationnel regroupe les informations et les procédures de plus de 10 administrations en un seul point de contact. De quoi permettre aux entrepreneurs d’avoir une meilleure compréhension des démarches et obligations légales liées à leur activité, de gagner en indépendance et de moins être tributaire de la vitesse de réponse des administrations.
Depuis la mise en place de NOA en mars 2019, ce sont plus de 6000 questions qui ont été posées par les entrepreneurs, avec un taux de compréhension de 80%. A noter aussi que depuis l’annonce des mesures de confinement, le nombre de questions posées à Noa a plus que doublé par rapport à la période précédente avec un pic très sensible durant les 3 premières semaines. Pour en savoir plus sur la gestion du chatbot NOA pendant la crise sanitaire, consultez notre article de blog.
Ce chatbot est le parfait exemple d’outil transversal à plusieurs services et administrations bien distinctes. En plus de fournir de l’information utile, ce type de chatbot pourra à l’avenir accélérer les démarches administratives grâce à la réalisation d’actions directement depuis le bot, comme un dépôt de dossier par exemple.
Inciter au “selfcare”
72 % des consommateurs préfèrent trouver la réponse à leur question sans passer par un service client.** Que ça soit via une recherche en ligne ou directement via le site web de l’entreprise, pour une majorité de clients le premier réflexe reste le web. Ils considèrent comme acquis le fait de pouvoir obtenir leur réponse de façon autonome, en temps réel et à toute heure du jour et de la nuit. Les entreprises ont donc mis à disposition des contenus pour rendre autonome leurs clients : tutoriels, documentation, guides, FAQ, chatbots, espaces de support communautaire… Ils ont l’habitude de ces moyens d’utiliser ces outils et attendent la même chose des services publics.
La période de confinement est venu appuyer ce constat, il a fallu trouver d’autres moyens de communiquer alors que de nombreux français étaient cloîtrés chez eux.
Par exemple, les écoles, lycées et universités ont dû rapidement s’adapter pour pouvoir continuer à dispenser leurs cours. L’éducation nationale avait déjà commencé à offrir aux écoles de nouveaux moyens d’instruire de communiquer plus en phase avec les habitudes et comportement des élèves, notamment en développant des plateformes digitales favorisant l’apprentissage à distance.
On peut prendre l’exemple de Jules, l’assistant virtuel d’aide aux devoirs pour les collégiens mis en place par le CNED en janvier 2019. Spécialisé en français, mathématiques et histoire-géo, il est enrichi par des professeurs et répond aux questions des programmes de la 6e à la 3e, il propose également des fiches méthodologiques, conseils, quiz, astuces et vidéos. Pendant le confinement, le chatbot a connu un pic de fréquentation avec près de 235 000 interactions par mois, et compte aujourd’hui près de 70 000 utilisateurs. Un soutien précieux et gratuit adapté aux élèves pour leur donner de l’autonomie et créer de la motivation.
Dans ce domaine, parce qu’il gère le langage naturel, le chatbot peut être un point d’entrée utile pour accompagner dans les cas d’illectronisme.
Faciliter le quotidien des agents : le cas des chatbots internes
Les organisations publiques peuvent également créer un chatbots pour aider leurs agents en répondant automatiquement à leurs questions sur les ressources humaines, l’environnement bureautique, le domaine juridique…On peut prendre l’exemple du Conseil Départemental du Val d’Oise qui s’est doté d’un chatbot RH en janvier 2020 afin de répondre aux questions les plus courantes des quelques 4000 agents de la collectivité et leur faciliter l’accès aux informations et documents existants. Le chatbot est né de la volonté de modifier le réflexe de l’appel téléphonique en proposant un outil innovant et accessible. Ainsi, Dimo, le compagnon digital des agents du Val d’Oise apporte des réponses génériques et contextualisées sur des sujets comme les congés et absences, les avantages sociaux, la formation, la mobilité interne, le télétravail….
La ville de Nîmes propose quant à elle un chatbot informatique pour accompagner ses collaborateurs sur Outlook, dans le cadre d’un changement de messagerie interne. L’objectif du chatbot est de rendre les utilisateurs plus autonomes et ainsi soulager les services support, trop de questions étant encore traitées par mail, téléphone et en présentiel. La ville de Nîmes réfléchit à d’autres cas d’usage pour son chatbot afin de développer davantage l’autonomie de ses employés.
Bien plus qu’un effet de mode, le chatbot s’est imposé petit à petit comme un outil indispensable auprès des services surchargés par les demandes entrantes : les départements relation client, ressources humaines et informatique, et récemment, les organisations publiques. Ces dernières, en pleine restructuration numérique, en tirent d’ailleurs tous les bénéfices.
*Panorama de la transformation digitale du secteur public français par le cabinet Artimon, 2018
**Forrester, 2017